Deux degrés, c'est trop

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Publié le 14 novembre 2015


Billet d'humeur LME89 A l’approche de la grande conférence sur le climat, qui aura lieu début décembre, l’objectif de contenir le réchauffement de la planète à 2 °C est repris à l’envi par les politiques, les médias et la plupart des ONG. Deux degrés, c’est facile à comprendre, et face à l’angoisse de la catastrophe climatique annoncée, ce petit chiffre tout rond a finalement quelque chose d’assez rassurant. Deux degrés de plus en hiver, ça n’a rien de désagréable et cela réduira les factures de chauffage. Deux degrés de plus en été, un peu plus gênant et transpirant, mais on devrait s’adapter. Deux degrés, après tout, ce n’est pas la mer à boire, même si le niveau de celle-ci, nous dit-on, risque de s’élever un peu… Le problème, c’est que cela ne se passera pas du tout comme ça. Tout d’abord, cette valeur de 2 °C est trompeuse. Elle n’est en effet qu’une moyenne. Ce sera beaucoup plus aux pôles et sur les terres. De plus, son point de référence est l’époque pré-industrielle ! Depuis, à force d’émissions, la température moyenne du globe s’est déjà élevée de plus de 0,9 °C et notre planète ne cesse de se réchauffer avec une froide régularité. Ensuite, le seuil de 2 °C n’est pas une consigne de température en dessous de laquelle rien n’arrivera. À partir de  modèles climatiques très élaborés, les climatologues ont calculé que la quantité de CO2 déjà émise depuis 1870 par l’activité humaine est de 1 850 milliards de tonnes. Selon eux, pour conserver simplement 66 % de " chances " de limiter la température moyenne à 2 °C de plus qu’en 1870, il ne faudrait pas émettre plus de 1 050 milliards de tonnes d’ici la fin du siècle et zéro au-delà. Or nous émettons actuellement 35 milliards de tonnes de CO2 par an. Sur les 85 ans qui nous séparent de l’an 2100, le niveau annuel moyen d’émissions ne devrait donc être que de 1050/85, soit 12 milliards de tonnes de CO2 par an, un facteur de réduction de trois par rapport aux 35 milliards d’aujourd’hui ! Mais l’équation climatique à résoudre est plus compliquée encore. Dans un monde plus chaud de 2 °C, la vitesse du changement climatique induirait des variations de végétation si rapides que les organismes vivants sur terre et dans l’eau douce n’arriveraient pas à suivre. Un tel réchauffement moyen créerait également de graves irréversibilités telles que la fonte d’une partie des sols aujourd’hui gelés en permanence (le permafrost), des niveaux d’acidité dans l’océan affaiblissant les concentrations de plancton, ou bien encore, à terme, l’effondrement dans l’océan de la calotte glaciaire du Groenland, ce qui provoquerait une élévation du niveau de la mer de sept mètres ! De très nombreux scientifiques pensent que nous devrions donc nous efforcer de limiter le réchauffement moyen terrestre à 1,5 °C pour éviter autant que faire se peut des bouleversements majeurs des sols et de la biodiversité. Dans ce cas, pour se donner 66 % de " chances " de limiter la hausse à 1,5 °C, notre " budget-carbone " ne serait plus de 1 050 milliards de tonnes de CO2, mais de 400 milliards de tonnes ! Or il reste des quantités considérables de carbone enfouies dans le sol, dans les gisements de pétrole et de gaz, les mines de charbon, les gaz de schiste, les sables bitumineux. La combustion de ce carbone représenterait l’émission de 5 385 milliards de tonnes de CO2, soit quatorze fois plus que le " budget-carbone " permettant de rester au niveau des 1,5 °C ! La conclusion est évidente : nous devons, comme le scénario négaWatt le propose pour la France, supprimer au maximum, quasi-intégralement et le plus vite possible toutes les émissions de CO2 dans tous les pays du monde avant 2050. L’humanité ne s’est jamais confrontée à un tel challenge, à la fois simple et énorme. Il reste atteignable si l’on s’y emploie dès maintenant avec une farouche détermination, mais non si l’on tergiverse quelques années de plus. On pense qu’il suffit de négocier à Paris un accord entre États. C’est une profonde erreur : on ne négocie pas avec le climat. On le respecte. Thierry SALOMON Sur Twitter, retrouvez ses " tweets d’humeur " sur #ThierrySalomon

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