Une nouvelle génération d’architectes tente de construire et rénover en polluant le moins possible. Retour sur une profession et un engagement encore trop peu connus.
D’après un rapport Ademe/Carbone 4 de juin 2019(1), le bâtiment est le premier secteur émetteur de CO2 en France (énergie grise(2) incluse). L’écoconstruction se révèle être la bonne voie pour réduire drastiquement ce mauvais bilan. Parmi ses protagonistes : artisans, ingénieurs, particuliers, autoconstructeurs et, souvent oubliés, architectes. Lorsqu’on pense à ces derniers, viennent généralement à l’esprit les archistars Jean Nouvel, Renzo Piano, Rem Koolhaas… Soit des gestes d’architecture forts avec la plupart du temps des matériaux ultracarbonés – ciment, verre, acier. Depuis les années 2000, dans l’ombre de ces édifices, une nouvelle génération d’architectes tente de construire autrement. Pour cette enquête, La Maison écologique a échangé avec une douzaine d’entre eux, officiant aux quatre coins du pays.
« L’écologie est une réponse multiple à un besoin plus qu’une esthétique, analyse Laurent Joliclerc, de l’atelier IDO en Ardèche. Certaines constructions écologiques ne sont pas ouvertes sur le paysage et relèvent d’une très mauvaise architecture. Si la construction écologique était liée à un style, alors il était déjà présent au Moyen Âge ! » Pour Robin Faure, architecte libéral en Charente et à Paris, l’écoconstruction renouvelle la forme architecturale des XXe et XXIe siècles. « L’habitation se compacte pour éviter les déperditions de chaleur. La structure n’est plus visible à l’extérieur, puisqu’une peau isolante enveloppe le bâtiment. Les ouvertures sont pensées pour que le soleil apporte du chauffage. Le retour du bois et de la terre crue, les toitures végétalisées changent aussi l’aspect. »
Retour aux matériaux locaux et de réemploi
Le bois, la paille, la terre constituent aujourd’hui la modernité architecturale, revendique Amélie Le Paih, architecte spécialisée dans la terre crue en Ille et-Vilaine. Quitte à ringardiser les matériaux du XXe siècle issus de la révolution industrielle (parpaing, métal, laine de verre, PVC). « La jeune génération d’architectes se forme en permanence pour construire à bas carbone. J’ai commencé mes études en sachant qu’il y avait une urgence climatique. Aujourd’hui, les clients viennent me voir pour ma spécialité. » L’engagement écologique des archis se déploie sur différents terrains. « Nous n’avons plus le temps de changer la forme du bâti. Les 9/10e sont déjà là. La réalité écrasante imposée au monde entier est celle de la maison Phenix, déplore Raphaël Fourquemin, architecte à Pau. Pour modifier l’impact carbone, il faut composer avec elle. L’architecture importante, réellement écologique, est celle qui s’adresse aux 99 % de la population ! » […]